Claire Denis : "Comme les clés de la vie..."
Marraine du festival Nouveaux horizons du cinéma, l'auteur de Trouble Every Day et White Material, évoque pour nou1
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Lionel, conducteur de RER, a élèvé seul sa fille. Mais elle est maintenant une jeune femme et Lionel prend conscience que l’heure de se quitter est venue.
Lionel est conducteur de RER. Il élève seul sa fille, Joséphine, depuis qu’elle est toute petite. Aujourd’hui, c’est une jeune femme. Ils vivent côte à côte, un peu à la manière d’un couple, refusant les avances des uns et les soucis des autres. Pour Lionel, seule compte sa fille, et pour Joséphine, son père. Peu à peu, Lionel réalise que le temps est passé, même pour eux. L’heure de se quitter est peut-être venue.
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"Une ivresse doucereuse, un plaisir ambré, une hypnose sensuelle, 36 chandelles filmiques, zéro mal de crâne, voil&
"Une ivresse doucereuse, un plaisir ambré, une hypnose sensuelle, 36 chandelles filmiques, zéro mal de crâne, voilà à peu près l’effet produit par 35 rhums. Claire Denis signe là un de ses films les plus simples et limpides (un père et sa fille qui ont du mal à se séparer), tout en faisant surgir de sa caméra le genre d’envoûtement sur pellicule dont on la sait capable. Dans son genre, 35 rhums est un film vaudou. (...). De l’émotion, d’autant plus forte qu’elle n’est pas suraffichée. De la beauté, d’autant plus saisissante qu’elle n’est pas surlignée. De la mémoire cinéphile, d’autant plus émouvante qu’elle n’est pas épinglée comme une médaille mais diffusée dans tout le film comme une “présence”. La classe pure."
Serge Kaganski"35 Rhums est l'un des meilleurs films de Claire Denis, et sans doute le plus émouvant (...). Loin de sa réputation d
"35 Rhums est l'un des meilleurs films de Claire Denis, et sans doute le plus émouvant (...). Loin de sa réputation de grande cérébrale, Claire Denis possède un talent très particulier : elle peut rendre bouleversant un objet aussi trivial qu'un autocuiseur, d'abord symbole d'une intimité partagée, puis déchu au rang de simple ustensile, toujours à la même place, mais dans un lieu où quelqu'un manque à jamais."
Louis Guichard"35 rhums a l'air d'une histoire de routine (...). Mais si, à la manière du train, le film a l'air de foncer
"35 rhums a l'air d'une histoire de routine (...). Mais si, à la manière du train, le film a l'air de foncer droit. C'est pour illustrer la fatalité. Car ce qui est en jeu, c'est une étape funeste : un aiguillage, un tunnel, un ultime raid vers le terminus. Pour un collègue de travail qui part à la retraite, le désarroi, "le sentiment de se sentir désert", une impasse suicidaire. Pour Lionel et Joséphine, l'heure de se quitter, parce qu'il est souhaitable qu'une fille s'éloigne un jour de son veuf de père et parte avec un autre homme, d'un autre âge, pour une autre forme d'amour.
Claire Denis a un secret : elle sait filmer avec une troublante évidence, une effusion fluide, ces instants furtifs où tout vacille, ces danses qui irradient de solitude, ces mains tendues dans le vide, ces corps qui incarnent un désir, un mal, une musique ou une transgression. Filmer sans transcendance ni compassion, au-delà du moindre dialogue, juste comme ça, poétiquement, par le rapport plastique qu'elle entretient avec l'image, avec l'étrangeté, avec la contemplation, avec une forme d'innocence presque documentaire."
"Avec 35 Rhums, Claire Denis effectue une sorte d’inversion des perspectives sur elle-même et sur son cinéma. Elle
"Avec 35 Rhums, Claire Denis effectue une sorte d’inversion des perspectives sur elle-même et sur son cinéma. Elle se retourne sur autre chose : le monde est le même, seul l’axe a changé. 35 Rhums, c’est un peu le recto verso, la peau intérieure du cinéma de Claire Denis, l’envers du tumulte, la suspension en sérénité.
Transformation. Deux clans se superposent dans 35 Rhums. Celui du film, petit cercle intime d’une poignée de personnages, et celui de la cinéaste, qui y a réuni quelques-uns des fidèles avec lesquels elle a presque toujours travaillé : Agnès Godard à la caméra, Jean-Pol Fargeau au scénario, Alex Descas et Grégoire Colin dans les rôles principaux. Elle ne les rassemble pas au seul nom de la fidélité : elle enregistre aussi le passage du temps, toutes ces années de travail et d’amitié, sur les visages, les caractères et les talents. A cet égard, le personnage de Noé, que campe Grégoire Colin, exprime quelque chose de beau et bouleversant. Depuis l’âge de 18 ans, il est celui des acteurs de Claire Denis dont la transformation a connu la plus forte amplitude. Son visage et son corps portent la mémoire de l’ado de US Go Home, du Boni de Nénette et Boni ou du jeune homme de Beau Travail.
Bientôt, une autre étrange sensation étreint le spectateur : la plus africaine des cinéastes blondes de Paris réalise ici son film le plus japonais, quelque part entre Ozu et Naruse. Le dessin métallique des sillons laissés par l’enchevêtrement des voies ferrées, les intérieurs modestes mais nickels et feutrés, les dialogues retenus et voués à l’essentiel puisque les grands sentiments qui les soutiennent non seulement vont de soi mais sont inexprimables… Tout ceci conspire à fabriquer un microclimat nippon sur le nord parisien. Et la mise en scène suit : partition de sons softs et estompés, petit ballet des pas et des gestes souples et silencieux, chorégraphie glissante des portes et couloirs tamisés, ruban lisse d’un montage liquide, soyeux et sans couture (...)"
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