UN ILLUSTRE INCONNU

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Sébastien Nicolas. En voilà un nom passe-partout. Surtout que celui qui le porte n’a pas non plus une personnalité fofolle. C’est un agent immobilier, qui s’occupe autant de louer des studios parisiens que de vendre des appartements haussmanniens. Il doit satisfaire des clients qui ont du caractère. Un caractère qui lui fait cruellement défaut. Dégoûté par sa propre apathie, vivant cette existence qu’il juge sans intérêt, Sébastien Nicolas est devenu un expert pour voler l’identité des autres.

Dans sa maison de banlieue, derrière la cuisine, il a installé une pièce secrète dans laquelle il confectionne des masques, des perruques, des postiches. Des maquillages presque professionnels qui vont l’aider à devenir quelqu’un d’autre. Ensuite, il s’approprie leur quotidien. Ca ne dure généralement qu’un temps. Mais cette fois, sa route va croiser celle de Henri de Montalte, un riche violoniste français, à la vie passablement compliquée. Il ne pratique plus, il vit dans l’ombre, et une ancienne compagne et le fils qu’il a renié reviennent le hanter. Sébastien devient alors De Montalte pour pallier tous ses manques affectifs.

L’auteur-réalisateur Mathieu Delaporte et le coscénariste Alexandre de La Patellière ont créé Un Illustre Inconnu comme un film de tueur en série… qui ne tue pas. Tous les codes du cinéma de serial killer sont là. La frustration, la prédation, la salle secrète, l’exécution chirurgicale de tous les gestes, l’étau qui se resserre… Pourtant, si on est en plein dans le thriller psychologique, Un Illustre Inconnu fait partie de ces films français si originaux, si à part, qu’il en deviendrait presque inclassable. On vous laisse le plaisir de découvrir ça.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver L'HOMME QUI VOULAIT VIVRE SA VIE (Le trouble identitaire, l'insatisfaction de l'existence, pousse un homme au passage à l'acte.) ou encore THE SOCIAL NETWORK (À l'instar de Mathieu Kassovitz incarnant plusieurs personnages, dans The Social Network, Armie Hammer incarne à lui seul des jumeaux.).

Vous devez probablement vous demander dans quel cinéma glauque ou quels films de genre Mathieu Delaporte et Alexandre de La Patellière ont fait leurs armes. Mais on vous arrête tout de suite, les deux quadras n’étaient pas vraiment reconnus pour leur art du thriller ou du film noir jusque-là. Leur gros fait d’armes avant Un Illustre Inconnu, c’est Le Prénom, la fameuse comédie avec Patrick Bruel tirée de leur pièce de théâtre du même nom. Avant cela, il y avait même eu La Jungle, avec Guillaume Gallienne. Ces deux golden boys du septième art français ont été révélés par l’humour, par des films aux dialogues virevoltants, par un cinéma de la comédie a priori. Mais attention : avant qu’ils ne deviennent LE binôme bankable du cinéma français, Delaporte et La Patellière ont travaillé sur deux longs-métrages beaucoup plus noirs, deux films d’animation pour adultes et de science-fiction : Renaissance en 2006, de Christian Volkman et The Prodigies d’Antoine Charreyron, adaptation du bestseller La Nuit des enfants rois, sortie en 2011. À noter que le personnage principal de The Prodigies avait la voix de… Mathieu Kassovitz.  

"Pour un acteur, c’est évidemment un challenge dès les premières pages" explique Mathieu Kassovitz, qui a eu la dure tâche d’incarner l’anonyme Sébastien Nicolas, Henri de Montalte, mais aussi Sébastien Nicolas travesti en d’autres personnages, dans une mise en abyme permanente du métier de comédien. Et ce sont quatre heures de maquillage quotidiennes qui ont permis à Kassovitz de devenir ces "autres", plus barbus, plus costauds, aux yeux plus tombants ou au nez plus long. Des prothèses à usage unique que le chef maquilleur, Pierre-Olivier Persin, jette tous les soirs, recommençant le boulot de zéro tous les matins. Kassovitz pouvait faire des journées allant jusqu’à 12 ou 15 heures de travail. Du propre aveu de l’acteur, il doute même que sa partenaire Marie Josée Croze l’ait jamais vu au naturel sur le plateau, puisqu’il était maquillé avant qu’elle n’arrive et démaquillé après qu’elle soit partie.

En novembre 2014, la sortie au cinéma d’Un Illustre Inconnu a été soutenue par un dispositif marketing novateur mais qui a fait grincer des dents. Puisque le film parle d’usurpation d’identité, une agence de communication a choisi une poignée de journalistes et blogueurs influenceurs et a créé des pages Facebook à l’identique de leur profil, mais en changeant quelques détails. Un acte inquiétant suivi par l’envoi sur la boîte mail de chaque "victime" d’une vidéo de Matthieu Kassovitz qui avouait son méfait. Cette méthode de publicité assez musclée n’a pas plu à toute le monde même si elle était affichée comme un moyen de prévention sur le partage de données personnelles sur les réseaux sociaux.   

Il est suffisamment rare de voir le cinéma français s’aventurer dans les allées royales du thriller manipulateur à tendance sociale pour relayer l’exploit lorsque le challenge est relevé avec les honneurs. Avant d’être une réflexion sur la place de l’homme qui ne ...

À 42 ans, Sébastien Nicolas branche tous les appareils à gaz de la maison, s'installe dans la cuisine, dépose sa tête dans le four, et, briquet et déflagration aidant, se suicide. Jusqu'à cet âge-là, Sébastien Nicolas, deux prénoms mais aucun qui ne le satisfasse vraiment, ...

Pure œuvre de cinéma sur l'usurpation où derrière le thriller hitchcokien se cache un drame puissant, Un Illustre Inconnu est un véritable conte social, noir, lancinant, fascinant. Allez au-delà des quelques violentes incohérences et des maquillages perfectibles, Delaporte ...