LUNES DE FIEL

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Depuis l’échec du Locataire en 1976, Roman Polanski s’était contenté d’enchaîner des divertissements de qualité faisant oublier sa réputation sulfureuse. Ainsi le mélodrame historique Tess ou le thriller Frantic n’avaient pas l’âpreté du Couteau dans l’eau ou l’ambigüité de Rosemary’s Baby. En adaptant librement le roman de Pascal Bruckner Lunes de fiel, avec Gérard Brach son complice d’écriture, il revient à ses thèmes de prédilection : la possession et la manipulation.

Le fait qu’il offre un rôle érotisé à sa jeune épouse Emmanuelle Seigner (25 ans au moment du tournage) et qu’il tourne dans des hauts lieux de la nuit parisienne (les Bains-Douches) qu’il fréquentait dans la vraie vie a suffi pour que certains commentateurs parlent de références autobiographiques. Or cette réflexion sur l’amour et le sexe dépasse l’anecdote. À travers le face à face de deux couples en huis clos sur un paquebot, Polanski raconte la nécessité de remédier à l’usure du désir qui s’installe dans les couples au bout d’un certain temps. Et il illustre une de ses possibilités avec le sadomasochisme dans une série de rituels dont la représentation reste relativement soft.

Il faut dire qu’il a embarqué dans cette aventure au côté du ténébreux Peter Coyote, remarqué dans E.T. de Spielberg comme dans le plus vénéneux À double tranchant, le très smart Hugh Grant, loin ici de ses emplois dans les Bridget Jones et autres Coup de foudre à Notting Hill. Sa tendre épouse, elle, est incarnée par Kristin Scott Thomas repérée dans Force majeure et Aux Yeux du monde.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LE DERNIER TANGO À PARIS (une autre histoire de passion sexuelle et d'amour à mort) ou encore VÉNUS À LA FOURRURE (un autre film où Roman Polanski érotise le corps de sa femme, Emmanuelle Seigner).

Le budget de Lunes de fiel n’était pas considérable, a expliqué Roman Polanski également coproducteur de son film. Il a fallu travailler dur, mais au moins, on l’a fait en toute liberté. » Le film a été tourné dans les studios de Billancourt en proche banlieue parisienne et, pour la dernière semaine, sur un authentique paquebot que le cinéaste pouvait faire déplacer à sa guise. En le faisant tourner en rond, il a ainsi pu garder toujours le soleil du bon côté sur le pont, éviter les tempêtes en restant proches des côtes et avoir d’authentiques mosquées en toile de fond pour la scène finale.

L’image du film est signée par un maître italien de la lumière à l’écran. Tonino Delli Colli, directeur de la photographie fétiche de Sergio Leone à partir du Bon, la brute et le truand. Ironiquement, Polanski s’est même amusé à citer dans le film Il était une fois en Amérique, éclairé par Delli Colli qui, par ailleurs, s’est illustré dans sa complicité avec des cinéastes très différents : du Pasolini de L’Évangile selon Saint Matthieu et du libertin Decameron au Fellini dernières manières (Intervista et La voce della luna), en passant par les satiriques Nouveaux monstres ou le ténébreux Âmes perdues qui rendait si bien les nuits vénitiennes noyées dans la brume. Sur les autres postes techniques importants, Polanski a prolongé sa complicité avec des collaborateurs fidèles tel Hervé de Luze, monteur également très proche d’Alain Resnais. Tout comme Jackie Budin la responsable des costumes.

Polanski a porté une attention particulière à la musique, chargée de rajouter de l’intensité aux séquences de tension amoureuse. C’est ainsi qu’il a confié le soin de composer une partition originale à Vangelis, lauréat d’un Oscar pour la musique des Chariots de feu, en 1982, et auteur d’autres tubes pour le grand écran comme les thèmes de Missing et Blade Runner. Surtout, il a rajouté des chansons à succès de Stevie Wonder, Bryan Ferry et George Michael. Sans oublier l’inusable hit de Charles Trenet « La Mer » et encore « I Will Survive » dans sa version Gloria Gaynor, alors que ce n’était pas encore l’hymne de l’équipe de France de football.

Tiré d'un Roman de Pascal Bruckner, le film est bien plus sage. L'interprétation de Peter Coyote (Oscar) est magnifique. Le film essaye (avec un peu moins de brio que le livre) de couvrir toutes les bonheurs et les vicissitudes de l'amour. ...

C'est évidemment à un exercice assez jubilatoire que se livre Roman Polanski, puisqu'il traite de comportements sexuels déviants radicaux en en retirant le trash (toutes les pratiques ne sont qu'évoquées, au mieux décrites par Oscar), mais en conservant les relations de pouvoirs ...

Rencontre fortuite. Coup de foudre. Apprivoisement amoureux. 1er corps à corps exultant. Vie commune. Gourmandise charnelle insatiable. Ce sont les débuts classiques d'un couple qui sont évoqués au début de "Lune de fiel". Avec un tel titre, on devine que la suite n'aura rien ...