CEUX QUI TRAVAILLENT

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Il était une fois, un monstre. Monstre de travail, monstre de froideur, calculateur, terriblement antipathique et curieusement fier de l’être. Il s’appelle Franck, arrive à son bureau avant tout le monde et en repart le dernier, fidèle ainsi à cette terrible devise qui renverra chacun à nos années Sarko : “Travailler plus, pour gagner plus”. 

Sous les traits imperturbables d’Olivier Gourmet, Franck travaille pour une compagnie suisse de transports maritimes pour laquelle il pilote à travers les mers du monde une flotte de cargos qu’il ne voit jamais, avec la seule exigence de les voir livrer leur marchandise à l’heure, car “le temps c’est de l’argent”.... Sauf qu’un jour, au nom du rendement, Franck va prendre une décision terrible qui va menacer son petit équilibre familial bourgeois de manière désastreuse. 

On a beau être dans le registre “film social”, le jeune réalisateur suisse Antoine Russbach signe un premier long au suspense parfois étouffant. En creux, sa vision de notre monde libéral est effrayante et donne froid dans le dos. “Travailler plus” est une option en effet. Mais au risque de tout perdre, y compris son âme. 

 
Dans le même genre vous pouvez trouver L'EXERCICE DE L'ETAT (Un autre film où le personnage d'Olivier Gourmet fait face à ses actes, en proie à ses tourments intérieurs.) ou encore RESSOURCES HUMAINES (1999) (Le film de Laurent Cantet explorait déjà la violence économique en milieu ultralibéral, une influence majeure pour le réalisateur de Ceux qui travaillent.).

Olivier Gourmet est une nouvelle fois excellent dans un rôle minimal. Ils sont ceux qu'il recherche et rapprochent celui-ci de sa performance dans L'exercice de l'Etat. Antoine Russbach estime que le comédien, grandi en milieu rural, a “quelque chose d’un cow-boy dans sa manière de se placer et de bouger” ; et c’est vrai que c’est dans ses silences et dans la dimension physique de son jeu que son personnage d’homme pitoyable à la dérive se dessine ici sous nos yeux, jusqu’à exprimer la face la plus obscure de son humanité.  

Ceux qui travaillent opte pour le contexte banal mais non moins féroce du milieu professionnel, et on pense à Stépane Brizé et à ses personnages mutiques et aux destinées désespérées, de La loi du marché et En guerre où la violence des échanges reste la seule réponse ...

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