Voyage à Tokyo
En visite chez leurs enfants à Tokyo, Shukishi et Tomi, un couple âgé, sont confrontés à l’égoïsme de leurs proches dans un monde en mutation... Le chef-d’oeuvre d’Ozu, poème visuel délicat et poignant, qui fit connaître sur le tard le cinéaste japonais en France.
Shukishi et Tomi s'apprêtent à quitter Onomichi, leur petite cité portuaire du sud du Japon, pour rendre visite à leurs enfants, mariés et établis à Tokyo. Au terme d’un long voyage en train, ils sont accueillis par leurs deux aînés : lui, pédiatre, est installé en banlieue avec sa famille, tandis que sa sœur dirige un salon de coiffure. Surtout préoccupés par la gestion du quotidien et les dépenses occasionnées par ce séjour, le fils et la fille se débarrassent de leurs parents en les envoyant dans une station thermale fréquentée par de jeunes fêtards. Seule la veuve de leur fils décédé durant la guerre reçoit ses beaux-parents avec affection et dévouement, en dépit de ses maigres moyens. Déçus, les vieux époux souhaitent rentrer chez eux…
Les cendres du temps
C’est avec ce film, d’emblée considéré comme un chef-d’œuvre sans équivalent, notamment par le philosophe Gilles Deleuze, que les spectateurs français ont enfin découvert en 1978 le cinéma de Yasujirô Ozu. Si cette subtile étude du délitement des liens entre enfants et parents s’ancre profondément dans la réalité de la société nippone d’après-guerre, ce n’est pas tant l’opposition entre les valeurs traditionnelles incarnées par les anciens et le matérialisme égoïste de la métropole moderne que met en exergue le réalisateur. Ce qu’Ozu souligne à travers sa mise en scène épurée, au cordeau – des vues de paysages urbains ou d’intérieurs vides, propres au cinéma documentaire, alternant avec des séquences dialoguées où la mélancolie le dispute à l’ironie –, c’est le passage du temps, qui crée une distance et défait les relations familiales. La communication entre les générations est rompue, comme en atteste une scène délicate et poétique réunissant à l’écran la grand-mère et le petit-fils… qui lui tourne le dos. Humaniste, le cinéaste porte sur chacun de ses personnages, même les moins sympathiques, un regard compréhensif : le spectateur attentif décèle les blessures de l’enfance qui ont endurci la fille aînée, l’insolence des petits-enfants n’a d’égale que leur vivacité... L’épilogue, sublime, entre douceur et larmes, étreint littéralement le cœur.
Réalisation
Yasujiro Ozu
Avec
Chishu Ryu
Setsuko Hara
Chieko Higashiyama
Pays
France
Année
1953