LA VÉRITÉ

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Chacun sa vérité, comme l’écrivait Luigi Pirandello, titrant l’une de ses pièces les plus célèbres. Nous connaissions La Vérité d’Henri-Georges Clouzot, un film de procès dans lequel Brigitte Bardot brille de mille feux. Pour nous dire SA Vérité, Hirokazu Kore-eda, bien que japonais, a choisi lui aussi de placer dans la lumière l’une de nos plus grandes stars, Catherine Deneuve, qu’il a jugée après coup « joyeuse, adorable, délicieusement facétieuse ». 

À l’origine, La Vérité était une pièce de théâtre en un acte, quasiment en huis clos, autour d’une star de cinéma à demi-déchue. Mais Kore-eda, en transformant sa pièce en film, lui a donné de la chair, et entouré le personnage central, de sa fille et sa petite-fille. Plus quelques personnages masculins, plus secondaires. Une façon de revenir une nouvelle fois sur le thème qui irrigue toute son œuvre, celui de la famille. 

Mais il est un autre sujet dont le film s’est emparé, celui du travail des comédiens. Brossant le portrait d’une actrice de renom, le cinéaste se livre à variation douce-amère sur l’art du mensonge et les brûlures que cause parfois l’ego. Le film parle de Catherine Deneuve sans que jamais nous ne soyons certains qu’il ne s’agit pas plutôt d’un fantasme que nous nourrissons. Mais la frontière entre réalité et fiction est d’autant plus poreuse que les comédiens du film ont tous influencé le scénario, apportant leur écot à la narration.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver MAMAN TRÈS CHÈRE (Il raconte la relation très difficile d'une comédienne de renom avec sa fille) ou encore SUNSET BOULEVARD (C'est une variation sur la fragilité du statut de star et la solitude qu'elle induit.).

Depuis des années, Kore-eda nous a rendu visite avec une régularité de métronome, nous offrant de délicieuses chroniques tournant pour l’essentiel autour de la famille. La juxtaposition de ses films, Tel père tel fils, Notre petite sœur, Après la tempête, etc. pouvant donner le sentiment que notre homme avait pris une photo en temps réel de l’intimité nippone comme personne ne l’avait fait auparavant. Son thème central, pour ne pas dire son obsession : la famille, ses failles et ses faux-semblants. Le film qui précède La Vérité, qui a par ailleurs remporté la Palme d’or cannoise de 2018 se nomme Une affaire de famille. On ne saurait mieux dire. A y regarder de plus près, on se rend compte que la figure de l’enfant abandonné parcourt toute son œuvre, sans que le cinéaste ne soit d’ailleurs capable d’en dire la raison. Il faudrait demander à son psy…

En choisissant de tourner La Vérité en France, avec des comédiens (et surtout des comédiennes) français le cinéaste venu du pays du soleil levant prenait des risques. La subtilité de son regard n’allait-elle pas s’éroder dès lors qu’il tournerait dans une langue qui n’est pas la sienne, avec des comédiens qu’il n’avait jamais dirigés auparavant ? En fait le signataire de Nobody knows s’est fié à la musique des mots. Et au jugement de ses collaborateurs français qui dans la plupart des cas corroborait son premier ressenti. Une façon de vérifier qu’il existe, au-delà du verbe, des choses perceptibles, une certaine universalité.

Ce qui est évidemment passionnant dans La Vérité, qui ironiquement aligne pas mal de fausses certitudes et de demi-mensonges, c’est que Catherine Deneuve est au cœur du processus et qu’elle semble prendre un plaisir fou avec son image habituelle, se régalant des a-priori, se délectant des malentendus. Il y a une mise en abîme entre ce qu’elle représente et ce que vit Fabienne, qui par ailleurs joue dans un film dans le film et à l’extérieur de ce film. Au final cette Vérité aux couleurs automnales se déguste d’autant plus facilement que l’on sent de la part du cinéaste une passion pour ceux qui nourrissent nos rêves de cinéma et une bienveillance réelle teintée d’ironie pour les êtres parfois fragiles ou même pitoyables que nous sommes…

Chaque fois d’un grand réalisateur s’expatrie, le même doute saisit ceux qui l’aiment et suivent son œuvre ? Le talent, voire le génie, n’est-il pas soluble dans l’exil ? Le cinéma étant avant tout un Art de l’humain, les spécificités culturelles d’une région ...

Après Kiyoshi Kurosawa et une expérience désastreuse (Le secret de la chambre noire), au tour du palmé Hirokazu Kore-eda de se lancer dans un tournage français avec notamment Deneuve et Binoche. Sans être son meilleur film, loin de là, La vérité reste typique du cinéaste ...

Après s’être penché sur ce qui fonde l’authenticité du lien père-fils dans « Tel père, tel fils » (2013), Hirokazu Kore-eda, entre temps auréolé à Cannes par la Palme d’Or 2018 pour « Une Affaire de famille », ausculte à présent la question de la transmission ...